dimanche 3 octobre 2021

Jour 570

Connaissez-vous le mythe de Sisyphe ? Moi oui, parce que j'ai étudié en littérature à l'université. Dans la mythologie grecque, Sisyphe avait reçu comme punition de rouler une pierre jusqu'au sommet d'une montagne. Or, à chaque fois, la pierre basculait pis redescendait de l'autre côté si bien que Sisyphe était condamné à la monter perpétuellement d'un côté pis de l'autre de la montagne.
 

Pourquoi je vous parle de ça aujourd'hui ? Parce que vla un mois, mon frère m'a proposé une sortie étrange pis rigolote à la fois en me disant : "Aie, on va aller voir ça. Ça va être drôle pis ça va faire de quoi d'inusité à raconter sur ton blog." La sortie en question, c'était d'aller voir un gars, un artiste, qui obsédé par le mythe de Sisyphe, s'est inspiré de l'histoire pour créer un genre d'oeuvre vivante. Plus précisément, Victor Pilon allait passer un mois au Stade Olympique à pelleter 300 tonnes de sable, 7 heures par jour, 6 jours sur 7. Étrange défi me direz-vous. Victor l'a commencé le 28 septembre.

Aujourd'hui, nos horaires fitent enfin faque mon frère me rejoint pour aller voir l'étrange artiste. On sait pas à quoi s'attendre pantoute. Nous-autres, on s'imagine rentrer dans le Stade pis voir le gars pelleter dans le brouhaha, en dessous des gros spots, entouré de cordons de sécurité. Erreur. Grosse erreur ! Si ça vous intéresse, aller voir le pelleteux, c'est gratuit. Après avoir montré notre passeport vaccinal, mon frère pis moi, on entre dans la salle d'exposition. Tout de suite, le choc. C'est pas pantoute comme on pensait. Y fait noir, noir, noir. On entend de la musique mais comme en témoigne notre première photo, on voit RIEN, même pas le gars. Y fait tellement noir qu'on sait même pas où aller ni où marcher. On finit par repérer un banc dans l'obscurité. On s'assoit, un peu perplexes. C'est là que le spectacle prend vie. C'est là aussi qu'on se rend compte qu'on est les deux seuls spectateurs. Dans quoi on s'est embarqués encore ? 😬

Une faible lumière s'allume pis c'est là qu'on aperçoit Victor à genoux à terre, en train de se prosterner dans un genre de transe. Au début, on allait là parce qu'on trouvait ça drôle mais là, on est pu sûrs. Les lumières s'allument un peu plus pis c'est là qu'on découvre "l'oeuvre" : deux gros tas de sable. Victor se met à pelleter dans un état second entre la souffrance, la zénitude pis l'absurdité. Étrangement, c'est quasiment beau.


Victor pellette en faisant toutes sortes de simagrés. C'est un peu malaisant d'être les seuls spectateurs. Parfois, y s'arrête devant nous-autres pis y nous dévisage l'air sérieux, quasiment fâché. On profite d'un moment où y s'éloigne de dos pour prendre un petit selfie souvenir. Aie, une affaire de même, on verra pas ça souvent dans notre vie.

Je pensais qu'on rirait beaucoup en allant là-bas mais on est meilleurs que je pensais. Pas artistiques pour deux cennes, mon frère pis moi on admire l'oeuvre vivante. Trois ou quatre spectateurs s'ajoutent ici pis là dans la salle. C'est là que ça dégénère. Victor, avec son air possédé, s'approche de nous-autres pis nous fixe à tour de rôle. Mon frère pis moi, on le regarde avec le même air en se demandant ce qu'il nous veut pis ce qu'on doit faire. Après de longues secondes, Victor tend sa pelle à mon frère. Sul coup, on pense qu'on doit toucher le manche chacun notre tour, que ça doit un genre de rituel mais non. L'artiste fait signe à mon frère d'aller pelleter. À ce moment précis, je peux vous garantir que mon frère pis moi, on est les deux personnes sur terre les plus heureuses de porter un masque. 😷😷

Mon frère part avec la pelle pis je suis immédiatement frappée d'un rire incontrôlable. J'essaie de me resaisir mais c'est plus fort que moi. Je braille pis je morve dans mon masque. Mon frère, ce gars on ne peut plus discret, pas plus émotif ni artiste que moi, en train de pelleter du sable dans la pénombre au Stade Olympique avec une musique dramatique en trame de fond ? C'est trop pour moi. BEAUCOUP trop pour moi. J'essaie de pas trop le regarder pour pas croiser son regard. Je me demande ce qu'y doit se dire dans sa tête. J'essaie de retenir mes rires pour pas qu'on me remarque mais je suis vraiment crampée. À chaque coup de pelle qu'y donne, je ris encore plus. Heureusement, ça s'arrête après quatre aller-retours.

Mon frère revient finalement au banc. Lui qui est tellement responsable pis qui a tellement le sens du devoir a réussi à garder son sérieux pendant sa toute performance. Y'avait même l'air assez crédible. En me voyant en train de brailler sul banc, y part à rire à son tour. Habitués à être pris de fous rires en diverses circonstances, on finit par se calmer. Victor, lui, continue sa mission. Le pire de l'histoire, c'est que son "oeuvre", c'est apaisant pis c'est beau. Vidéo !


De retour dehors, on peut quand même pas s'empêcher de repartir à rire. Aie, j'aurais jamais cru voir ça dans ma vie. Mon frère aurait jamais cru non plus participer un jour à un spectacle aussi absurde. Vla donc une niaiserie de plus à notre actif. Heureusement que le ridicule tue pas parce que je donnerais pas cher de notre peau. 😂

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