Une faible lumière s'allume pis c'est là qu'on aperçoit Victor à genoux à terre, en train de se prosterner dans un genre de transe. Au début, on allait là parce qu'on trouvait ça drôle mais là, on est pu sûrs. Les lumières s'allument un peu plus pis c'est là qu'on découvre "l'oeuvre" : deux gros tas de sable. Victor se met à pelleter dans un état second entre la souffrance, la zénitude pis l'absurdité. Étrangement, c'est quasiment beau.
Victor pellette en faisant toutes sortes de simagrés. C'est un peu malaisant d'être les seuls spectateurs. Parfois, y s'arrête devant nous-autres pis y nous dévisage l'air sérieux, quasiment fâché. On profite d'un moment où y s'éloigne de dos pour prendre un petit selfie souvenir. Aie, une affaire de même, on verra pas ça souvent dans notre vie.
Je pensais qu'on rirait beaucoup en allant là-bas mais on est meilleurs que je pensais. Pas artistiques pour deux cennes, mon frère pis moi on admire l'oeuvre vivante. Trois ou quatre spectateurs s'ajoutent ici pis là dans la salle. C'est là que ça dégénère. Victor, avec son air possédé, s'approche de nous-autres pis nous fixe à tour de rôle. Mon frère pis moi, on le regarde avec le même air en se demandant ce qu'il nous veut pis ce qu'on doit faire. Après de longues secondes, Victor tend sa pelle à mon frère. Sul coup, on pense qu'on doit toucher le manche chacun notre tour, que ça doit un genre de rituel mais non. L'artiste fait signe à mon frère d'aller pelleter. À ce moment précis, je peux vous garantir que mon frère pis moi, on est les deux personnes sur terre les plus heureuses de porter un masque. 😷😷
Mon frère part avec la pelle pis je suis immédiatement frappée d'un rire incontrôlable. J'essaie de me resaisir mais c'est plus fort que moi. Je braille pis je morve dans mon masque. Mon frère, ce gars on ne peut plus discret, pas plus émotif ni artiste que moi, en train de pelleter du sable dans la pénombre au Stade Olympique avec une musique dramatique en trame de fond ? C'est trop pour moi. BEAUCOUP trop pour moi. J'essaie de pas trop le regarder pour pas croiser son regard. Je me demande ce qu'y doit se dire dans sa tête. J'essaie de retenir mes rires pour pas qu'on me remarque mais je suis vraiment crampée. À chaque coup de pelle qu'y donne, je ris encore plus. Heureusement, ça s'arrête après quatre aller-retours.
Mon frère revient finalement au banc. Lui qui est tellement responsable pis qui a tellement le sens du devoir a réussi à garder son sérieux pendant sa toute performance. Y'avait même l'air assez crédible. En me voyant en train de brailler sul banc, y part à rire à son tour. Habitués à être pris de fous rires en diverses circonstances, on finit par se calmer. Victor, lui, continue sa mission. Le pire de l'histoire, c'est que son "oeuvre", c'est apaisant pis c'est beau. Vidéo !
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